Exposition Forteresses et Bazars

 A la  suite du grand succès de l’exposition Donjons français, fut projetée en 1999 une nouvelle exposition ayant pour objectif de rendre vivants les modes de vie  et d'existence des contemporains du temps des croisades  : Forteresses et Bazars – Formes de vies médiévales du Proche-Orient.

A cet effet, un comité scientifique fut rassemblé par Monsieur Siepen , qui, en nouant des contacts avec d'autres chercheurs allemands et étrangers, donna forme et contenu au projet et contribua à la rédaction d'un catalogue exhaustif. A partir de ces travaux, furent également conçus les panneaux de l’exposition .  La contribution des  stagiaires, sous la direction de Monsieur Siepen, fut de conceptualiser les dessins,  diagrammes et les photos .

 Les tableaux, au nombre de 60, nous invitent à découvrir l’histoire au temps des croisades, et présentent  une sélection de forteresses de cette époque qui aujourd’hui se trouvent en Syrie, en Jordanie, au Liban, en Israël, sur l’île de Chypre ou en Turquie. Les panneaux restituent  l’état actuel des recherches sur ce vaste  sujet.

Grâce aux croisades, l' ouverture d'esprit de la noblesse européenne s'est considérablement élargie tant au plan géographique qu'intellectuel.. Vers 1500, il n’était pas une famille qui ne réclamait descendre de l’un ou l’autre croisé. Ainsi, les seigneurs de Coucy, maîtres d’un des plus impressionnants sites fortifiés d’Europe et du plus puissant donjon de l'époque,  se prévalaient de pas moins de huit ascendants  de la famille qui avaient pris la route pour Jérusalem.

Un tel voyage ne se plaçait pas uniquement sous les auspices guerriers de la croisade. Il a aussi  été une rencontre, le long du chemin, avec d’autres cultures , particulièrement en Asie mineure et dans les pays du Proche-Orient. Les vestiges du monde antique et la culture de l’Islam ne furent pas sans influence sur l’horizon de pensées des Croisés et  leur  vie quotidienne.. Des produits de luxe, comme de riches soieries, sont arrivés en Europe, venant de grands comptoirs d’échange d’Orient, comme Alep et Damas, avec leurs bazars et leurs quartiers commerçants étendus. Une quantité innombrable de mots pénétrèrent le vocabulaire germanique en même temps que les biens qu’ils désignaient . Après le contact avec la culture du Proche-Orient, dans les forteresses et les villes d’Europe, l’hygiène s’améliora, en même temps que se développèrent les onguents, les parfums et la pharmacopée.

L’habitat de la noblesse  et les châteaux forts furent marqués profondément par les croisades .

Des chevaliers de toutes les nations d’Europe passèrent  par la « Terre Sainte ». Après l’avoir conquise lors de la première croisade (1096-1099), ceux-ci durent se comporter  de plus en plus comme une minorité en terre étrangère . L’édification de forteresses devint  indispensable pour assurer la souveraineté sur le territoire. Les Etats de la Chrétienté  devaient être gardés, les ports de ravitaillement abrités, les routes commerciales et les riches terrains agricoles protégés.

Les croisés apportèrent leur vision européenne de la fortification, mais rencontrèrent également des fortifications quasiment intactes de la fin de l’antiquité , œuvres d’architectes byzantins et arabes, qu’ils étudièrent, et dont ils vérifièrent l’habileté. Au cours d’un  long processus, ils testèrent  des éléments et des structures militaires, en développèrent certains, en abandonnèrent d’autres, toujours dans le but de protéger, avec le moins de forces disponibles, une place contre un ennemi en surnombre , le plus longtemps et le plus efficacement possible. L’ennemi apporta aussi sa contribution à ce processus car l’histoire de plusieurs de ces forteresses est ponctuée de conquêtes et de reconquêtes et par le fait que les croisés durent recourir à de la main d’œuvre locale :contremaîtres, maçons et des tailleurs de pierre.

Les améliorations architecturales que les croisés firent au Proche-Orient, se répercutèrent en retour en  l’Europe. Ainsi les accès aux forts et les défenses des portes, les protections latérales ainsi que les cheminements dans la forteresse elle-même, la défense de la zone avancée (talus, murs avancés et chenil) et  l’épuration de l’eau (système de citernes) furent transposés dans la construction des châteaux-forts d’Europe, influençant les techniques locales traditionnelles.

 Au centre de l’exposition est présentée la maquette du Krak des chevaliers , dont la dimension au sol atteint  un  impressionnant . 36m²  et où plusieurs milliers de figurines  au 1/25ème relatent  le temps de siège avant l’assaut final du  Sultan Mamelouk Qalawin en 1271. C’est l’heure de la dernière phase du siège, durant laquelle des mineurs creusèrent un tunnel sous l’enceinte extérieure et les assaillants, à l’aide d’engins d’attaque et d’échelles, atteignirent le cœur de l’ouvrage..

Dans le château-fort sont représentées des scènes de la vie quotidienne, militaire et civile, avec, entre autres, un aperçu de l’intérieur de la forteresse : son dormitorium pouvant accueillir jusqu’à 2000 personnes, la cour du château, la salle des gardes, les cuisines. Des membres de l’Ordre de Saint-Jean et leurs alliés essayèrent sans relâche de repousser les assauts afin de protéger la forteresse, eux-mêmes, la population locale en quête de protection pour le bétail, et de nombreux pèlerins ayant délaissé la route de Jérusalem.

Comme il devint évident que la résistance devenait insensée , des préparatifs furent entrepris pour la reddition de la forteresse et la sortie  des occupants .

La  maquette du bazar d’ Alep présente, sur une surface de 4x4 m, et avec près de 750 figurines et des milliers d’objets, une vision colorée de la vie du marché du Pproche Orient à la fin du moyen âge. Alep était un centre commercial important et se trouvait sur la ligne de partage entre les mondes islamique et chrétien, jouant un rôle de pont entre les deux cultures.   Ici commençaient les routes de l’encens d’Arabie et de la soie venant de Chine et arrivaient , avec d’autres marchandises des Indes, les  épices et l ’indigo après un transit aux ports de Bassorah et de l’Euphrate.  Des routes larges et longues formaient un réseau  et  reliaient Alep à Bagdad et Mossoul à l’est, Damas au Sud, et Konya au Nord-Ouest. Le café du Yémen, des pommades et de la soie d’Iran, mais aussi du coton, des pistaches et du savon de la production locale enrichissaient l’offre de produits qui attiraient aussi les commerçants européens. En l’an 1517 vivaient à Alep environ 70.000 personnes, tandis que Cologne et Nuremberg ne comptaient respectivement que 30.000 et  25.000 habitants.

La source de cette prospérité était et demeure encore aujourd’hui le vaste marché : le Bazar, qui se trouve au centre de la ville. Le commerce et la vie publique sont  ici intimement liés et on trouve disséminés dans le quartier commercial , les  grands édifices publics de la ville , tels que la grande mosquée, les écoles coraniques, les caravansérails, des  installations de bains et  de toilettes.. Dans d’étroites ruelles, fermées par des panneaux de bois,  se trouvent des ateliers d’artisanat,  des surfaces commerciales et de stockage.. Des voûtes  en pierre protègent contre les intempéries et contre les risques d’ incendie.

Déjà à l’époque romaine, les galeries marchandes du bazar s’étaient implantées le long de la rue principale, puis avec le temps s’étaient aussi installées dans les rues avoisinantes, jusqu’à s’étendre en 1930,  sur une superficie de 16 hectares ! Il est, de ce fait, quasiment impossible de découvrir la grande variété  de l’offre de produits, lesquels sont proposés dans des zones bien précises.. .Encore aujourd’hui, il y a  un bazar des fabricants de cordes, celui des artisans du cuivre, celui des marchands de savon, etc. et le grand bazar d’Alep  reste  le poumon économique de la ville. On y propose des textiles, des épices, des biens de luxe, mais  aussi des devises et divers  objets de la vie quotidienne qui contribuent à rendre le marché très animé.. L’ancien se mêle, ici, en permanence au contemporain !. Les contraintes physiques de l’exposition ne permettent qu’une restitution partielle de cet univers. C’est pourquoi, il a été retenu  un secteur  d’environ 80x80 m , dans l’environnement immédiat de  la Mosquée du  Vendredi et de la colline de la citadelle, où  se tiennent un grand caravansérail - une auberge avec des échoppes pour les commerçants -et un bain typiquement oriental, le hammam Nahassine.

 Nous devons à un bureau d’architecture syrien les mesures et la documentation, travail qui a servi à la GIB e.V. de point de départ pour une reconstruction authentique des bâtiments.  Pour restituer l’abondance d’offres de produits, ont été concentrés dans ce quartier les principaux artisans : bijoutiers travaillant  l’or et  l’argent, ferronniers, avoisinant  potiers, tisserands et libraires . Des articles comme l’encens, les épices, les légumes, les fruits, la viande et le poisson, la laine et les étoffes côtoient les meubles, les outils, les esclaves, le bétail, et s’offrent à la vue d’une population nombreuse de marchands ..On verra aussi des caravanes, en route vers le caravansérail,  des charmeurs de serpents, des conteurs, des musiciens et des danseuses du ventre. Dans ce panorama, ne pouvait être oubliée, sur le parvis de la grande Mosquée, la séance de lecture du Coran..

 Avec l’exposition « Forteresses et Bazars – Formes de vie médiévale au Proche-Orient », la GIB e.V. (Gesellschaft für internationale Burgenkunde d’Aix-la-Chapelle) souhaite toucher, dans les années à venir, un public encore plus large que pour l’exposition « Donjons français ». Les textes des panneaux sont rédigés en trois langues (français, allemand et anglais ), afin d’être présentés à travers l’Europe, les Etats-Unis et le Proche-Orient.. Les points  conflictuels  de ce chapitre de l’histoire  ne sont pas occultés dans les tableaux explicatifs qui rendent compte aussi  de l’importance de l’héritage culturel commun et souhaitent surtout contribuer à l’amélioration de l’ entente  entre les peuples .

Copyright: Gesellschaft für Internationale Burgenkunde e.V., Aachen
Stand: 27.02.2008